Questions/Réponses sur Henry de Monfreid
Par Guillaume de Monfreid
Q. Où sont les archives d'Henry de Monfreid ?
Les éléments les plus importants de la vie aventureuse d’Henry de Monfreid (1911- circa 1923), ont été donnés à la Société de géographie par l’ensemble des héritiers en 2008. Ce don est composé de 11 lots qui forment un ensemble cohérent de cette vie, composés de documents manuscrits, imprimés, photographiques, filmés, et enregistrés (audio):
1. L'ensemble de l’œuvre écrite de l’auteur, enregistré par l’auteur lisant son texte, soit 99 bandes magnétiques originales (bandes 4 pistes en général) de tailles diverses.
2. L'ensemble des pellicules de films originales au format 16mm en noir et blanc, tournés vers 1930 ; (soit 15 bobines).
3. Les lettres de l'auteur à son père George-Daniel et à la femme de celui-ci, Armgart Freudenfeld, écrites du 12 août 1911 au 9 novembre 1921, et qui ont fait l’objet d’une publication (Flammarion et Arthaud éditeurs).
4. L'ensemble des journaux de bord d’Henry de Monfreid, les manuscrits écrits entre 1911 et novembre 1921 (qui ont servi de base aux premiers ouvrages d’Henry de Monfreid, chez Grasset éditeur) : datés des 20-25/11/1913 ; 11/01-20/02/1914 ; 10-14/05/1914 ; 25-30/06/1914 ; 9-15/07/1914 ; 10/12/1914-15/01/1915 ; 21-30/05/1915 ; 10/07-18/08/1915 ; 6/11-18/12/1915 ; 25/02-01/04/1918 ; 27/06/1919 ; 17/08-9/11/1921 ; (soit 12 journaux) lesquels ont fait l’objet d’une publication (Flammarion et Arthaud éditeurs).
5. Un ensemble de manuscrits divers, pages raturées et feuillets non classés et autres documents tirés de ces manuscrits par l’auteur.
6. L'ensemble de la collection des plaques stéréoscopiques photographiques de l’auteur (1911/ circa 1925). (500 clichés originaux, 700 plaques environ positives ou négatives).
7. Des exemplaires de journaux Petit Parisien de 1934, et autres, contenant les articles de l’auteur sous le titre générique : « Vers les Terres hostiles de l’Ethiopie ».
8. Des coupures de presse « argus de la presse » à partir de 1932.
9.L'ensemble des copies des carnets de George-Daniel de Monfreid, père d’Henry, (ou ses agendas annuels).
10. Quelques documents historiques et personnels de l’auteur, de la période 1911-1920 : passeports, patente de navigation, lettres officielles françaises ou anglaises etc.
Ces archives sont consultables en original sous certaines conditions d’accès, et sont conservées à la Bibliothèque nationale de France (BnF, site de la rue de Richelieu à Paris 2e ardt) qui a une convention de partenariat technique de conservation avec la Société de géographie. Les fac simile sont par contre consultables selon les modalités de la BnF, en fonction de l’avancement des travaux de numérisation de la BnF.
La reproduction de tous ces documents est soumise à autorisation et le cas échéant, à droits d’auteurs.
Q. Les journaux de bords d’Henry de Monfreid sont-ils réellement authentiques ?
Ce serait sérieusement méconnaître la réalité des faits qui sont têtus, même si un de ses biographes a pourtant dit qu’ils étaient peut-être faux : ces journaux de bord sont si précis qu’ils permettent de reconstituer sans problème les routes maritimes qu’il a empruntées (une seule coquille a été trouvée lors de cette reconstitution : dans un de ses journaux il écrit « nord » alors qu’il va à l’est).
Les journaux de bords d’Henry de Monfreid sont tellement authentiques, que ses héritiers ont décidé d’un commun accord de les donner (avec le courrier afférent), à la Société de géographie de Paris, comme étant des témoignages historiques incontestables. Ils sont maintenant conservés par la Bibliothèque nationale de France (site de la rue de Richelieu), et ont fait l’objet d’une exposition (février-mars 2011à la BnF, site de Tolbiac à Paris).
Q. Henry de Monfreid a-t-il pu s’adonner trafic d’esclave ?
Henry de Monfreid ne s’est jamais adonné au trafic d’esclaves (pas plus que Rimbaud d’ailleurs, voir Alain Borer à ce sujet). Par contre, qu’Henry de Monfreid ait été parfaitement au courant de ce trafic, et ait connu quelques-uns de ses protagonistes, est certain. Le reportage de 1930 et l’ouvrage de Joseph KESSEL qui a suivi (Marché d’Esclaves), l’explique très bien, puisque Henry a été le guide sans qui rien n’aurait été possible.
Pour accuser un homme d’un tel fait dans cette région, il fallait qu’il ait accompli les actes suivants :
1. Acheter ou enlever (rapt) une personne dans un pays d’Afrique,
2. Avoir acheminé cette personne (caravane), jusqu’au bord de la mer Rouge, et la lui avoir fait traverser,
3. Avoir acheminé cette personne dans un pays de la péninsule arabe jusque vers un marché d’esclave pour l’y vendre. Voire avoir un client direct.
Ce traffic était très sévèrement puni, notamment par les autorités anglaises (pendaison immédiate sur flagrant délit). Les trafiquants arabes étaient donc extrêmement prudents : en vue d’un navire anglais, ils n’hésitaient pas à couler immédiatement leur boutre. En faisant disparaître les preuves de leur trafic enchaînées à fond de cale (autant de noyés), ils étaient récupérés comme de simples naufragés ! Henry a même pris une photo d’un de ces cadavres encore attaché à une carcasse de boutre rejetée plus tard sur une plage.
Déjà la contrebande d’armes d’Henry l’avait mis en concurrence directe avec les marchands arabes de la région et lui avait causé pas mal de problèmes (exemple : Djibouti, 25 décembre 1914 : faux témoignage d’un de ses matelots payé pour cela, prison pour Henry, et finalement grosse amende douanière). Peux-t-on imaginer que les trafiquants d’esclaves de la région aient laissé un quelconque concurrent européen s’installer et s’immiscer dans leurs petites affaires, sans réagir encore plus violemment? En réalité, c’est exactement le contraire qui s’est passé : Henry a fini par « les tenir » car il avait trouvé des preuves fatales contre eux.
De plus, à lire ses lettres et journaux de bords très détaillés (on peut reconstituer ses routes maritimes sur cartes, voir quelques exemples dans Aventures Extraordinaires, Arthaud 2007), les routes qu’il emprunte ne sont pas celles des trafiquants d’esclaves, mais les croise.
Enfin Henry de Monfreid explique longuement (notamment ses entretiens avec Paul Guimard, archives INA – CD France Inter, et dans ses livres), la condition d’esclave en Ethiopie, et ses différences fondamentales avec la traite des Noirs et l’esclavagisme des Européens de sombre mémoire.
Q. Henry de Monfreid a-t-il vendu des armes aux Turcs pendant la guerre de 1914?
Henry de Monfreid n’a jamais vendu d’armes aux Turcs, encore moins pendant la guerre. Avant 1914, ses armes étaient destinées au Danakils, à Tadjourah au nord de Djibouti ou au sultan de Las Koreh (golfe d’Aden, côte nord de la Somalie). Tous ces lieux étant hors de l‘autorité turque.
La foi où Henry a été accusé à tort d’un tel acte est en réalité une dénonciation calomnieuse avérée (25 décembre 1914), qui s’est finalement traduite après enquête des autorités françaises à une infraction douanière sanctionnée par une grosse amende et de la prison ferme (6 mois), pour l’exemple. En effet, la réalité du délit était qu’Henry, n’ayant pu vendre à temps 300000 cartouches, les avait enterrées dans l’île de Mascali en face de Djibouti sans payer les droits de douane, ou sans les avoir vendues aux enchères (grosses pertes pour lui).
Q. Qu’a fait Henry de Monfreid pendant la guerre de 1914 ?
En l'année 1900, soit 14 ans avant la guerre, Henry de Monfreid a été exempté du service militaire comme réformé n°2 (problèmes pulmonaires assimilables à la tuberculose). C’était l’époque où le service militaire durait trois ans, et pour y échapper, il avait simulé comme quelques autres, devant le conseil de révision, ladite maladie (voir L’Ornière, Grasset).
Dès le mois de janvier 1914 Henry de Monfreid débarque (voir son journal de bord), en territoire turc à l’entrée sud de la mer Rouge, à Cheik-Saïd exactement (fort, garnison, etc) qui commande le passage. Il prend des photos et les ramène au gouverneur de Djibouti qui lui avait demandé cette très officieuse mission de renseignement. Bien qu’Henry s’en soit défendu, c’est de l’espionnage, et le Wali (gouverneur) de la place de Moka qui lui a mis la main dessus ne s’y est pas trompé. Henry a pu lui échapper in extrémis (voir Les Secrets de la mer Rouge ou son journal de bord).
En août 1914, Henry a 35 ans, c’est la déclaration de guerre. Il n’est pas dans la classe des premiers contingents appelés au front, et de toute façon sa réforme de 1900 l’empêche d’être appelé immédiatement. Malgré cela, son premier réflexe est de partir au front (cf. par exemple sa lettre du 7 septembre 1914 à sa femme : « tu comprends que ma place n’est plus ici (…) si je reste vivant, nous irons demander à la terre de nous faire vivre. »).
Au début 1015, à sa sortie de trois mois de prison pour infraction douanière, l’administration judiciaire décide de l’envoyer en France mobilisé pour la guerre. Pour sauver sa famille du désastre financier dans lequel il se débat depuis plusieurs mois, il fera confirmer, via des relations de son père, sa réforme n°2 de 1900. Plus tard, il a pu, sans qu’on en ait de preuves, navigant incognito, donner d’autres renseignements aux Alliées.
Q. Henry de Monfreid était-il un fasciste ?
Non Henry de Monfreid n'était pas un fasciste et ne l'a jamais été. Il n’a jamais pris aucune carte de parti. Il est si « ouvert » qu’il avait eu dans ses relations amicales, Paul Vaillant-Couturier, grand militant communiste (membre du comité central en 1921), et qu’à la fin de sa vie, il dédicaçait régulièrement ses livres à « la fête de l’Huma » (parti communiste).
Philosophiquement il dit de lui-même : « (…) Je suis trop anarchiste et individualiste pour pouvoir exprimer mes idées sans passer pour un fou » (lettre à sa femme Armgart, 24 mars 1915). Ce qui est l’exact contraire du fascisme.
Henry de Monfreid a rencontré le Duce, Mussolini, en 1934, à plusieurs reprises. Une de ces visites, relatée à la fin d’un livre (Drame Ethiopien), n’est pas plus une preuve de son appartenance au fascisme. C’est celle de son admiration pour un homme actif qui à cette époque n’a pas encore adhéré aux théories racistes nazies ni fait alliance avec Hitler (pacte d’acier 1939).
Certains lecteurs voient dans la description dithyrambique de cette rencontre, une attaque férocement ironique contre le Duce, par son admiration si exagérée que le sujet (le Duce) en devient grotesque. De plus, en 1936, nombreux sont ceux qui essaient de détourner l’alliance du Duce avec Hitler : visites d’officiels et de diplomates français et anglais. Henry à son niveau est plutôt de ceux-là, mais avec une extrême naïveté. Tous ces visiteurs ne sont pas fascistes pour autant.
Certains ont reproché à Henry de Monfreid d’avoir soutenu les troupes italiennes lors de leur invasion de l’Ethiopie en 1936. En réalité, Henry a au moins deux bonnes raisons d’y aller qui n’ont rien à voir avec la politique :
1. Face à ce conflit, journaliste, il est le correspondant d’un grand journal français (le Petit Parisien)
2. Personnellement, il va enfin récupérer, si l’Italie est victorieuse, ses biens spoliés par le Négus.
On oublie en effet trop souvent que les prises de position politiques d’Henry étaient toujours en faveur du peuple éthiopien contre les agissements de Haïlé-Sélassié, le Négus. Ses articles de journaux et un livre dénonçant les méfaits de ce monarque autocrate et son mépris de la SDN,Vers les Terres Hostiles de l’Ethiopie, lui a coûté tous ses biens, et une condamnation à mort officieuse. Le fascisme n’a rien à voir là-dedans, il faut plutôt toujours lui imputer une grande naïveté politique avec des actions plus don quichottesques que diplomatiques.
Certains ont reproché à Henry de Monfreid, à 60 ans, d’être resté dans son domaine (Araoué), en Ethiopie sous domination italienne au moment de la déclaration de guerre en 1939/40, l’Italie étant devenue l’ennemie de la France. Il a même été accusé de collusion avec l’ennemi (les Italiens), et a été arrêté à Araoué, par les Anglais pour ce motif en 1942. Bien qu’Henry ait été sévèrement incarcéré et menacé d’exécution, l’enquête des Français exigée par les Anglais a conclu au non-lieu. Les Anglais ayant compris que cette dénonciation était un simple règlement de comptes entre français l’ont assigné à résidence au Kenya pour le protéger jusqu’en 1947, date de son retour en France.
Q. Henry de Monfreid était-il franc-maçon ?
Il faut aujourd’hui répondre à cela de deux façons : selon la lettre et l’esprit.
Selon la lettre, l’appartenance d’Henry à la franc-maçonnerie avait été envisagée malgré le manque de preuves formelles (voir L’Incroyable Henry de Monfreid, Grasset, 1990, p.141), en raison d’une lettre de lui du 4 octobre 1913 utilisant le signe de reconnaissance. L’aperçu sur la franc-maçonnerie française à Djibouti de Lukian Prijac publiée dans le Cahier d’Etudes « POUNT », n°1 de 2007, montre qu’il a été « initié le 24 mai 1912 à la Loge n°433 » avec la fonction d’archiviste (!) et « radié du rôle de l’Atelier le 25 novembre 1915 » par un procès interne à la loge. Cette adhésion fut opportuniste. Henry espérait très probablement en tirer la conclusion d’affaires lors des appels d’offres de travaux publics que lançait la colonie de Djibouti ou en espérait une protection. Ses contrebandes, ses actions incontrôlables et par trop libres qui « violent son serment maçonnique », expliquent cette courte appartenance.
Selon l'esprit, il ne l’a jamais vraiment été, puisqu’il ne s’est jamais conformé à la philosophie de la loge, et n’a d’ailleurs jamais cherché à y rester. Lui-même, revenu en France, n’a jamais, de près ni de loin, abordé la question de cette appartenance dans ses livres ou lors d’entretiens et d’émissions de radio ou de télévision (Paul Guimard, Jacques Chancel, etc.). Preuve très probable de son désintéressement complet pour le sujet.
Q. Henry de Monfreid était-il musulman?
Il faut aujourd’hui répondre à cela de deux façons : selon la lettre et l’esprit.
Selonla lettre, il a d’abord été baptisé dans la foi catholique, puis à plus de trente ans a adhéré à l’islam (1914), et s’est fait de ce fait circoncire à Marseille (lettre à Armgart, 2 avril 1914). Ostensiblement il récitait ses cinq prières avec ses matelots. Son adhésion de circonstance lui ouvrait des pays et des ports fermés aux non musulmans. Hors d’un pays musulman, Henry ne l’était plus.
Selon l'esprit, il n’a jamais vraiment adhéré à une quelconque religion, qu’elle soit catholique ou musulmane. On ne peut donc pas parler de conversion ni d’adhésion à l’islam. Et ses discussions avec le père Teilhardt de Chardin (1923 et années suivantes), l’ont conforté dans sa position que l’on pourrait résumer comme étant celle d’une sorte de naturalisme spirituel où Dieu et la Nature sont très au-dessus des religions des hommes et de leurs dogmes. Ce qui lui plaisait probablement dans l’islam de ses matelots, c’est cette simplicité de relation directe avec « Dieu qui est le plus grand », « Allah akbar », en liaison constante avec la Nature, sans aucun autre ajout de dogme. De retour en France en 1947, son adhésion à l’islam était pour lui du passé lointain.
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